L’IA américaine saura-t-elle répondre à la question de sa consommation électrique massive ?

La banalisation prochaine de l’IA dans le monde passe par un écueil : ses besoins en consommation électrique. Les géants américains du secteur se sont déjà emparés du sujet.

D’ici à 2030, selon une enquête récente de la banque Wells Fargo, le consommation électrique aux Etats-Unis due à l’Intelligence Artificielle (IA) sera multipliée par …80 par rapport à cette année, soit 652 TWh (contre 8 TWh environ en 2024).

Cette prévision est à rapprocher d’une autre qui anticipe une consommation électrique aux Etats-Unis de 7244 TWh. Dans ce cas, l’IA, seule, « consommerait » près de 10 % de l’électricité totale des Etats-Unis. A noter que les requêtes effectuées par les utilisateurs de modèles d’IA génératives ne seraient pas les plus gourmandes en énergie, puisque les 2/3 de cette consommation serait généré par les calculs servant à entrainer ces modèles pour les mettre au point. Eux-mêmes faisant fonctionner des puces de plus en puissantes – et donc consommatrices d’énergie, sans parler de toute l’infrastructure technologique nécessaire pour les faire fonctionner correctement.

On comprend mieux pourquoi les nouvelles entreprises qui font la course en tête dans le développement de ces modèles ont besoin de se financer en milliards de dollars, qu’il s’agisse de fonds d’investissement privés ou de ressources financières propres, notamment des GAFAM, en pointe dans ce domaine.

On comprend mieux aussi pourquoi ces mêmes acteurs ont fait de la maîtrise de cette consommation électrique une priorité qui s’exerce dans deux directions : des efforts technologiques pour limiter la « gourmandise » énergétique des systèmes informatiques d’une part, la sécurisation de l’accès à la ressource elle-même, autant que possible en provenance d’énergies renouvelables.

L’IA dopée au nucléaire ?

Dans le domaine de la maîtrise de la consommation des modèles, une part significative des efforts de R&D – financés par l’investissement et non les revenus des sociétés d’IA générative sont consacrés à concevoir des modèles plus petits, réclamant moins de ressources informatiques et à réduire la complexité des algorithmes qui permettent de les faire tourner. Avec le même objectifs, les modèles sont alimentés par des données préanalysées pour éviter la redondance de celles-ci. Du côté hardware, des puces spécialement conçues pour l’IA sont en cours de développement, notamment chez Nvidia, le leader du secteur, mais aussi l’intégration de plus en poussée de systèmes de refroidissement moins consommateurs d’énergie dans les data centers notamment.

Des estimations prévoient que l’optimisation des modèles d’entrainement pourraient faire baisser jusqu’à 80% les besoins énergétiques, et 40% la consommation des infrastructures matérielles.

L’autre sujet de préoccupation lié à l’énergie concerne la nécessité d’accéder à de l’électricité « propre », aussi bien sous la pression de l’opinion publique et des règlementations des Etats-Unis (y compris aux Etats-Unis avec l’ESG et l’objectif NetZero en 2030), qu’avec la nécessité de faire baisser les factures autant que possible.

C’est ainsi que le recours aux énergies renouvelables s’impose d’autant, contrairement à l’incertitude concernant le coût des énergies fossiles leur prix s’oriente invariablement à la baisse.

C’est ainsi que Amazon est déjà devenu le plus grand acheteur d’énergie renouvelable au monde : plus de 20Gw de capacité d’électricité renouvelable (solaire et éolien). Google de son côté assure être déjà neutre en émission carbone et compte naturellement le rester, même avec l’IA.

L’étape d’après consiste pour ces géants technologiques à sécuriser très en amont leurs sources d’électricité renouvelable, aussi bien pour s’assurer des volumes que des coûts.

Ces entreprises sont donc en pointe dans le financement de projets de fabrication de mini-réacteurs nucléaires (SMR) ou de réhabilitation et développement de centrales existantes, pour l’instant aux Etats-Unis. Dans ce domaine, l’exemple le plus connu est celui de Microsoft qui finance le redémarrage d’un des réacteurs de la centrale Three Miles Island pour s’assurer de sa production électrique.

Concernant les mini-réacteurs, Oracle a déjà annoncé que certains de ses futurs data centers seraient alimentés par des SMR lui appartenant. Google a signé un accord avec la startup Kairos Power pour développer également de tels réacteurs pour son usage propre d’ici la fin de la décennie. Enfin Amazon a déjà acquis un parc de data centers déjà alimentés par de l’énergie nucléaire.

Concernant ces futurs réacteurs, que des startups de nombreux pays, y compris en France, commencent à développer, l’enjeu principal hors énergie est celui de la sécurité et donc de la réglementation. Pas sûr que l’opinion soit d’ores et déjà prête à accepter la présence d’un SMR dans les sous-sols d’une entreprise où à la sortie d’un parc technologique…

A suivre donc. D’autant que l’histoire ne dit pas encore si toutes ces initiatives permettront de faire baisser la consommation électrique de l’IA en 2030 aux Etats-Unis par rapport aux prévisions, ou si celles-ci anticipent déjà de tels avancées technologiques et donc évitent que la consommation soit encore plus élevée…

 

Michel Ktitareff

CEO & Co-founder Scale-Up Booster